Dépression : une alimentation saine initie la guérison
Privilégier fruits, légumes, noix, huile d’olive, poissons gras… au détriment de la viande rouge et des produits transformés. Des conseils courants en cardiologie ou en diabétologie. « Et qui devraient l’être aussi en psychiatrie » , affirme Tasnime Akbaraly, épidémiologiste à l’Inserm. Pour preuve, les étonnants résultats qu’elle a publiés en 2009 : « Nous avons montré chez une cohorte de patients anglais que le risque de dépression était réduit de 26 % chez les personnes qui suivaient le mieux un régime alimentaire riche en légumes, fruits et poissons, alors qu’il augmentait de 60 % chez ceux dont le régime était plus riche en produits raffinés, gras et sucrés. » Des résultats confirmés, depuis, sur d’autres cohortes.
En chiffres
Nombre de malades potentiels 6 % des Français sont touchés par un épisode dépressif. Au cours de sa vie, 1 sur 5 fera une dépression. Nombre d’essais en cours 15, dont 1 avec régime méditerranéen, 4 avec transplantation de microbiote fécal et 5 avec probiotiques.
LA PISTE INFLAMMATOIRE
Mieux : deux essais cliniques menés en Australie et publiés en 2017 ont montré qu’il est même possible de réduire les symptômes de la dépression, voire d’induire une rémission, grâce à de simples conseils nutritionnels. L’équipe de Felice Jacka, chercheuse à l’université Deakin, a ainsi obtenu un taux de rémission de 32,3 % dans un groupe de patients dépressifs ayant bénéficié d’un soutien diététique, contre 8 % dans le groupe dont le soutien était axé sur les liens sociaux.
Or, l’une des hypothèses qui expliquerait ces résultats se fonde justement sur notre microbiote. « L’alimentation est l’une des façons les plus simples de le moduler, explique Joël Doré, à l’Inra. Consommer suffisamment de fibres variées stimule la croissance de bactéries supposées bénéfiques pour notre santé, qui fabriquent, notamment, de petites molécules comme le butyrate, aux propriétés anti-inflammatoires. » Conjuguées à d’autres molécules aux propriétés anti-inflammatoires (oméga 3 de l’huile d’olive ou du poisson) et aux molécules antioxydantes des fruits, celles-ci permettraient de limiter l’inflammation chronique de l’organisme dont le rôle dans l’apparition de maladies psychiatriques semble de plus en plus certain.
C’est d’ailleurs la découverte inattendue de cet état inflammatoire qui a permis de remonter la piste qui mène de notre cerveau à notre ventre : en effet, les bactéries intestinales, selon leurs interactions et leurs productions moléculaires, peuvent détraquer la barrière intestinale et, par ricochet, perturber les réactions inflammatoires de l’organisme, qui réagit alors comme s’il était agressé. « Microbiote, perméabilité intestinale et inflammation sont imbriqués et entretiennent un cercle vicieux. Il faudrait donc agir sur les trois en même temps » , souligne Joël Doré. Et c’est justement ce que l’on peut faire à travers son alimentation.
En savoir +
À consulter :L’étude de Tasnime Akbaraly : The British Journal of Psychiatry, 2018
Les deux essais cliniques australiens : BMC Medicine, 2017 ; Nutritional Neuroscience, 2017.
(Source: https://www.science-et-vie.com/article-magazine/depression-une-alimentation-saine-initie-la-guerison)